Instruments de musique

Le plus vieil instrument connu est un rhombus en bois de renne découvert en Dordogne et pouvant dater de 12,000 ans avant notre ère. On a retrouvé en Chaldée des instruments à vent datant d'environ 3,000 ans av. J.-C. divers types de flûtes, des aulos à pavillon recouvert et (ou) recourbé, des trompettes à pavillon évasé; des instruments à corde: harpes, cithares, psaltérions, luths; et des instruments à percussion: cymbales, timbales, tambours et balags (grosse caisse). Cette civilisation suméro-chaldéenne (5,000 ans av. J.-C.) qui a eu une grande influence sur les Assyriens, les Hébreux, la Grèce, l'Égypte et les Romains nous a donc donné, à travers ces nations fondatrices de notre civilisation, certains des instruments que nous utilisons encore maintenant.

Les Grecs avaient une prédilection pour la lyre et la cythare: «la lyre et la cithare jouaient un rôle prédominant dans la poésie lyrique, mais l'aulos se joignait à elle pour accompagner les odes de Pindare et tenaient le monopole dans le domaine du dithyrambe et des choeurs dramatiques; la lyre régnait sur l'instruction athéniennne, l'aulos trouvait sa place dans la vie sociale et militaire».1 De grands poètes ont eu leurs noms associés à d'autres instruments: Homère et son kitharis, Sapho et son barbytos. La mythologie grecque attribue l'invention de la lyre à Hermès, qui l'offre à Apollon et à Orphée. Le tragique amour de ce dieu pour Eurydice inspirera le célèbre opéra de Gluck (1714-1787): Orphée et Eurydice. Une religion naîtra du culte d'Orphée, l'orphisme, laquelle exercera une influence profonde dans toute la Grèce du VIe siècle av. J.-C. jusqu'à la fin de l'Antiquité.

Enjeux

Érotisme et instruments de musique
Certains historiens du Moyen Age, Régine Pernoud en particulier, s'insurgent souvent contre une idée préconçue et très répandue selon laquelle cette période est obscure et simpliste. Gardons-nous par exemple de croire que la musique religieuse ait été la seule expression musicale de cette époque. Au contraire, à l'extrême pureté du chant grégorien a correspondu une musique profane truculente. Une musique servant de canal à l'expression de ce que depuis Freud nous appelons les pulsions sexuelles. Cette musique a toujours existé parallèlement à d'autres formes plus élevées. «L'érotisme et la musique ont de tous temps fait bon mariage»1. D'autres autorités morales antérieures à Grégoire le Grand, Basile, Théodose, Jean Chrysostôme, Grégoire de Naziance avaient dénoncé le caractère dépravé de certaines danses et de certains instruments. La ronde par exemple est vue comme «un cercle dont le centre est le diable et tous tournent à gauche parce que tous tendent vers la mort éternelle»2. Un historien contemporain, Jean Gagné, a commenté avec beaucoup de verve l'usage que les Anciens faisaient des instruments de musique dans l'expression de leurs instincts amoureux. Il montre comment le Moyen Age distinguait «les instruments hauts, ceux qui jouent fort, des instruments bas, les doux et, du même coup, les instruments à vent, généralement forts, des instruments à corde généralement doux»3. Les instruments à corde représentant le pôle spirituel de l'homme, ceux à vent son pôle charnel. Cette conception des instruments, on a vu que Platon la défendait déjà. Mais au Moyen Age, les formes mêmes des instruments étaient liées à certaines images érotiques, preuve que les Anciens ont devancé Freud sur le chemin des interprétations symboliques. L'enfer du peintre flamand Bosch par exemple, est pavé d'instruments de musique et c'est la cornemuse qui symbolise la luxure. «La flûte, et les instruments d'apparence semblable (flagolet, galoubet, bâton, archet..., seront à la Renaissance des symboles érotiques classiques, souvent dans les mains des femmes. Il est vraisemblable qu'ils l'ont été aussi au Moyen Age et que les exemples tardifs connus constituent l'aboutissement naturel d'un symbolisme spontanément accepté et reconnu»4. Symbolisme spontané, et par conséquent non encore imprégné de la conscience qui devient si rapidement mauvaise conscience...


Lapin jouant de la harpe. Enluminures de la Bibliothèque municipale de Lyon. Ms 409, f. 541v



Érotisme également des paroles. Philippe Ariès a longuement démontré que cet érotisme imprégnait toute la vie; on le retrouvait dans les danses, dans les gestes et dans les coutumes - celle par exemple de faire dormir indistinctement les enfants avec les adultes. Il ne serait pas venu à l'idée de nos ancêtres de faire de l'éducation sexuelle un enseignement spécifique. Les enfants apprenaient les choses de la vie au contact de la vie elle-même. La chanson suivante, par exemple ne laisse plus rien à deviner à l'enfant qui l'a entendue! On y trouve toutefois suffisamment de métaphores pour qu'on ne puisse pas la qualifier de pornographique.

Comme il arrivait au tilleul
Il dit «asseyons-nous»
— l'amour le pressait fortement —
«faisons un jeu»

Il saisit mon corps blanc
non sans crainte
et dit «je te rends femme,
douce est ta bouche».

Il souleva ma chemisette
et quand nom corps fut dénudé
il entra soudain dans mon petit château
poignard dressé...»5

Notes
1. L'érotisme au Moyen Age, direction Bruno Roy, «L'érotisme dans la musique médiévale», par Jean Gagné, Éditions de L'Aurore, Montréal 1977, p.85.
2. Ibid., p.86
3. Ibid., p.89
4. Ibid., p.92
5. Ibid., p.97

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