Frais de scolarité - Comment trouver une solution équitable ?

Julien Cardinal

Le gel des frais de scolarité équivaut à une diminution de ceux-ci puisque l'indice des prix à la consommation (IPC) s’accroît. Suivant l’inflation, le dollar d’hier vaut moins que celui de demain.

Pour comprendre la hausse des frais de scolarité, il faut minimalement comparer ces frais avec des dollars de même valeur, c’est-à-dire avec un dollar constant.

Voici maintenant les frais de scolarité avec un dollar basé sur celui de 2011.


Source: http://juliencardinal.blogspot.ca/2012/03/frais-de-scolarite-comment-trouver-une.html

La moyenne payée par les générations précédentes s’établit à 1 820$ avec un écart-type de 600$. Depuis 1992, les frais de scolarités sont au-dessus de la moyenne.

Dans un souci d’équité, on peut adhérer au principe voulant que la génération actuelle puisse bénéficier d'un coût à l'éducation comparable, ou même meilleur, aux coûts des générations antérieures.

Cependant, il est difficile de fixer une valeur aux frais de scolarité qui serait équitable d'un point de vue intergénérationnel. Autrement dit, une valeur qui serait, toutes choses étant égales par ailleurs, équivalente entre les générations.

En analysant le graphique, on peut constater que le problème principal provient du grand écart-type découlant des variabilités des frais depuis 40 ans. En effet, les gels de long terme et les chocs des dégels (1989-1994 et 2007-2011) contribuent à la difficulté d'établir un coût relativement constant entre les générations.




Une proposition visant des frais équitables…

Ma proposition ne vise pas un objectif idéologique comme la gratuité scolaire, mais bien une forme équitable d'un point de vue intergénérationnel.

Le retour aux frais de 1994 peut être un départ puisqu'elle n’est pas si reculée dans le temps, mais aussi peu récente. À l'époque, les droits de scolarité, selon une période de 5 ans (trois années de premier cycle et deux années de deuxième cycle), équivalaient annuellement à 2 322$ en moyenne (de 1990 à 1999). Les frais actuels sont de 2 168$. Une hausse de 154$ peut déjà s'annoncer comme un compromis minimal.

Par ailleurs, un maximum pourrait être basé sur la moyenne depuis 1968 plus l’écart-type : 1 820$ + 600$ = 2 420$. Autrement dit, depuis 1968, les droits de scolarités annuels exigés étaient de 2 420$ ou moins , et ce, la majeure partie du temps (84%).

Pour ceux qui sont contre la hausse annoncée, soit 3 480 en dollars constants en 2016, voilà qu'un maximum de 2 420$ pourrait être également un compromis.

Dans ce contexte, voici une première proposition :

Ceteris paribus
, les frais de scolarité devraient être fixés entre 2 322 $ et 2 420 $ tout au plus.

De plus, une fois fixés, il sera impératif de ne plus geler ces frais. En indexant le montant fixé, et ce, à chaque année, on s'assure d'une contribution étudiante plus stable et équitable à long terme.


Il va sans dire que cette proposition ne plaira pas à tout le monde. Qu'à cela ne tienne. L'important ici n'est pas de prendre cet intervalle comme la solution. L'important, c'est de suivre une démarche basée sur une équité intergénérationnelle dans la fixation des frais de scolarité. Il demeure qu'il reste bien d'autres nuances à considérer.


Considérations factuelles à apporter…

Un problème d’équité intergénérationnelle ne se résout pas via une belle formule toute simple. J'ai fait une proposition qui va paraître très réductionniste pour certains. Une raison pour cela est que dans ce genre de calcul, il y a toujours des externalités qui sont ignorées. Par contre, ceci ne doit aucunement justifier de ne pas faire de démarche raisonnée basée sur des faits et non des perceptions générationnelles remplies de préjugés.

Des externalités qui seraient souhaitables d’analyser pourraient être, entre autres, la charge intergénérationnelle au niveau de la dette fiscale et environnementale, des écarts salariaux par classe d’âge, des effets à prévoir sur le vieillissement de la population, les frais afférents, le coût de la vie, etc.

Je déplore que ce type d’exercice n’ait pas été fait par les organisations étudiantes opposées à la hausse des frais de scolarité, du moins qu'en partie. Par contre, je déplore encore plus que ces analyses n'ont pas été réalisées rigoureusement par ceux à qui incombe la responsabilité de justifier cette hausse, c'est-à-dire le gouvernement du Québec. Le seul argument reposant sur l’équité intergénérationnelle argué par la ministre Line Beauchamp est celui de l’indexation systématique des frais à partir de 1968. Cette démarche est non seulement arbitraire, mais elle est totalement exagérée. Je m’attends à plus de nos élites que cette rhétorique insidieuse.

Bonnes réflexions!

Julien Cardinal
Économiste




Lettre de L'Agora - Printemps 2025

  • Billets de Jacques Dufresne

    J'ai peur – Jour de la Terre, le pape François, Pâques, les abeilles – «This is ours»: un Texan à propos de l'eau du Canada – Journée des femmes : Hypatie – Tarifs etc: économistes, éclairez-moi ! – Musk : danger d'être plus riche que le roi – Zelensky ou l'humiliation-spectacle – Le christianisme a-t-il un avenir?

  • Majorité silencieuse

    Daniel Laguitton
    2024 est une année record pour le nombre de personnes appelées à voter, mais c'est malheureusement aussi l’année où l'abstentionnisme aura mis la démocratie sur la liste des espèces menacées.

  • De Pierre Teilhard de Chardin à Thomas Berry : un post-teilhardisme nécessaire

    Daniel Laguitton
    Un post-teilhardisme s'impose devant l'évidence des ravages physiques et spirituels de l'ère industrielle. L'écologie intégrale exposée dans les ouvrages de l'écothéologien Thomas Berry donne un cadre à ce post-teilhardisme.

  • Réflexions critiques sur J.D. Vance du point de vue du néothomisme québécois

    Georges-Rémy Fortin
    Les propos de J.D. Vance sur l'ordo amoris chrétien ne sont somme toute qu'une trop brève référence à une théorie complexe. Ce mince verni intellectuel ne peut cacher un mépris égal pour l'humanité et pour la philosophie classique.

  • François, pape de l’Occident lointain

    Marc Chevrier
    Selon plusieurs, François a été un pape non occidental parce qu'il venait d'Amérique latine. Ah bon ? Cette Amérique se tiendrait hors de l'Occident ?

  • L'athéisme, religion des puissants

    Yan Barcelo
    L’athéisme peut-il être moral? Certainement. Peut-il fonder une morale? Moins certain, car l’athéisme porte en lui-même les semences de la négation de toute moralité.

  • Entre le bien et le mal

    Nicolas Bourdon
    Une journée d’octobre splendide, alors que je revenais de la pêche, Jermyn me fit signe d’arrêter. « Attends ! J&

  • Le racisme imaginaire

    Marc Chevrier
    À propos des ouvrages de Yannick Lacroix, Erreur de diagnostic et de François Charbonneau, L'affaire Cannon

  • Le capitalisme de la finitude selon Arnaud Orain

    Georges-Rémy Fortin
    Nous sommes entrés dans l'ère du capitalisme de la finitude. C'est du moins la thèse que Arnaud Orain dans son récent ouvrage, Le monde confisqué

  • Brèves

    La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – La source augustinienne de la spiritualité de Léon XIV – Chine: une économie plus fragile qu'on ne le croit – Serge Mongeau (1937-2025) – Trump: 100 jours de ressentiment – La classe moyenne américaine est-elle si mal en point?